Système D et culture du remix : le retour du web 2.0 ?
Les réseaux sociaux reviennent à l'essence "sociale" de leurs débuts. Et les audiences suivent.
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Au tout début des médias sociaux, le système D était la norme car tout était à construire. Les plateformes étaient balbutiantes et nous n’étions pas encore dans une économie où le marché de l’influence est évalué à plusieurs centaines de milliards d’euros.
Les premiers blogueurs étaient fondamentalement dans un mode collaboratif : à la recherche d’un développeur pour fixer un bug sur Wordpress, d’un photographe dans pour les besoins d’un blog mode, d’un lieu pour un tournage vidéo etc.
Les blogueurs s’échangeaient des liens dans leurs posts, ce qui valorisait le référencement naturel des autres espaces dans les moteurs de recherche.
Le premier YouTube Rewind (en 2010) donne un aperçu de cette période : une culture du remix, du (re)montage. Où la parodie et une forme de viralité conduisaient à des phénomènes globaux.
Le ice bucket challenge, les films viraux de Coca Light et de Mentos, les millions de covers des chansons font partie de l’histoire.
Une philosophie du remix qui revient en force.
Toutes les dernières annonces de Meta (notamment pour Instagram ou Threads) semblent puiser leurs inspirations dans les prémices du web 2.0, qui ont rendu si simples les interactions entre utilisateurs.
Depuis la semaine dernière, les images d’à peu près n’importe quel utilisateur peuvent être transformées en “stickers”, une fonction simple qui vise à détourer automatiquement une image pour pouvoir ensuite l’utiliser dans les Stories. Une façon de continuer à enrichir les ressorts créatifs des gens, en incitant un usage conversationnel (les collages de visuels pour exprimer une idée) et en facilitant le “remix” d’une fonctionnalité de partage.
Pourquoi faciliter cette culture du remix, et s’exposer ainsi à des risques en termes de propriété intellectuelle ? Parce que le temps passé sur les réseaux sociaux a atteint un plateau depuis plus d’un an. Dès-lors, la seule stratégie afin de pouvoir continuer à monétiser les utilisateurs n’est pas d’augmenter le temps passé mais bien plutôt l’intensité des usages : faire plus, en moins de minutes, afin d’inscrire toujours plus profondément la plateforme dans la vie - ou la vivance - des gens.
La seule stratégie afin de pouvoir continuer à monétiser les utilisateurs n’est pas d’augmenter le temps passé mais bien plutôt l’intensité des usages
Les outils de “remix” démocratisent ce qui était auparavant l’apanage de techniciens créatifs. Les barrières à l’entrée en termes de compétences dures (comme savoir utiliser un outil de montage, de retouche photo, de réalité augmentée…) volent en éclats, ce qui favorise une valorisation d’une bonne idée avant tout. Ce qui est malin pour la plateforme (rendre possible des phénomènes viraux) et bon pour les créateurs ou remixeurs (une valorisation de leurs cerveaux).
Le remix dans des cultures fragmentées
Cette tendance au remix permet également de nourrir des communautés toujours plus niches, des cultures qui se croisent comme des navires dans la nuit. Ce qui rend certains individus plus influents que d’autres dans ces communautés a énormément évolué en l’espace de deux ans. On en revient aux fondamentaux de l’influence : la capacité à générer du changement auprès d’une ou plusieurs personnes. D’après le dernier rapport de Highsnobiety “New Luxury New Rules”, les trois premiers critères qui expliquent pourquoi une personne est influente ont trait à cette culture du remix et du système D.
la légitimité acquise auprès d’une communauté ou d’une niche
la reconnaissance de leur créativité exceptionnelle
leur rôle de pionnier, d’inventeur
En sous-jacent, j’aime cette citation de l’artiste Sputniko! “si tu as un rêve que personne ne suit, alors c’est un rêve vide” : construire cette influence prend des années, requiert de fédérer autour de soi - et dans la vie réelle - des individus. Et qu’à moment donné, ce travail de fond paie, car inscrit dans un tissu de relations, de projets, de preuves.
Le Web 2.0 est peut être de retour.
Les mots de Pharrell Williams interviewé par Margaret Zhang (Vogue China) et Yiling Pan (Vogue Business China) sont éclairants sur la force de cette culture du système D et du remix sur le long terme :
“I work with 55 different departments, over 2,500 soldiers. I call 'em soldiers. But this is like a love movement. But you have to conduct, you know, it's like a huge orchestra, you know? And my job is to make sure that like everything is in harmony, you know, and to weed out any of the dissonance and just make sure that like it's a harmonious thing and that we move as a unit (…) It's very different than it was 30, 40 years ago. You know, everything was like in a vacuum. But now, like I said, because of the internet, it's different. If you're really talented, they will find you. Somebody will find you, somebody will get behind you. And I just, I mean, you know, just being over here and just seeing everything that's going on, man, it's really your time. It's your time. Like nothing is stopping you, nothing. Nothing can dim the light. And by the way, the light that I'm referring to is the light of the universe. Right? You know, we know that, you know, there's a day and a night, but the sun does not set. The Earth is just spinning. Right? And when you know that, you realize the sun is always shining. So it doesn't matter if it's nighttime and you can't see, it doesn't mean that the sun is not shining in your direction. So once you know that, you realize you don't need the light or the acceptance from. The world at large. Like just shine and be bright and be magnetic. Be great.”
Pharrell Williams - Vogue - Janvier 2024
L’événement de la semaine : Journal du Luxe Intelligence
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Les liens épatants
Pourquoi tous les coffee-shops se ressemblent ? La faute à l’algo d’après The Guardian. Déroutant.
Squeezie et sa bande viennent de sortir sur Prime Vidéo le documentaire “Merci Internet”. Une fabuleuse plongée dans le début des YouTubers et de la montée de la culture geek en France.
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On vit une époque de mix géant. Qui me parait connectée à la globalisation. les réseaux sociaux sont dedans, pas dehors. Il faut regarder le Musée Imaginaire qui dit peut etre la vérité de notre temps