À bras le corps !
Comment les réseaux sociaux - et les mondes immersifs - invitent à repenser ce qui est obsolète ou non. Pistes de réflexion à travers le travail de l'artiste Hiromi Ozaki (Sputniko!).
Dernière newsletter avant la rentrée histoire de se reconnecter avec la vie et moins avec la vivance ! Un grand merci pour cette jolie aventure autour de mon essai “Réseaux sociaux : une communauté de vie”. Vous êtes désormais 524 abonné(e)s, merci !
L’artiste Hiromi Ozaki (plus connue sous le nom Sputniko!) est une source d’inspirations sans faille pour comprendre l’évolution des réseaux sociaux - et plus globalement l’impact du numérique sur nos identités.
Esprit avant-gardiste, elle déclarait dès les prémisses des réseaux sociaux que “si tu as un rêve que personne ne suit, alors c’est un rêve vide”. Et que nous serions tous reliés par des fils invisibles. En 2016, elle sortait un film intitulé “Red Silk of Fate - Tamaki’s Crush”, l’histoire d’une généticienne en devenir qui crée un fil de soie rouge afin d’attirer l’amour de ses rêves. Hiromi Ozaki a véritablement créé ce fil de soie en le modifiant génétiquement (il contient de l’oxytocine) avec le Professeur Hideki de l’Université de Tokyo. Une référence aux légendes en Asie qui parlent d’un mystérieux fil de soie rouge du destin qui relierait deux êtres par le petit doigt de la main. Évidemment, la manipulation génétique tourne mal et de nombreuses créatures voient le jour avec des pouvoirs étranges.
L’allégorie est intéressante car elle décrit également le contexte de la vivance en tant que substance; la capacité technologique à entrer en relation avec tout un chacun opère dans un milieu qui lui-même influence terriblement le type d’échanges ou de conversations. Pour rendre cette idée plus claire : la vivance propulsée dans les réseaux sociaux est très altérée ou conditionnée par les règles du jeu des plateformes. Par exemple, flirter à travers des réactions à des stories sur Instagram (ne faîtes pas les innocents, je vous vois haha !) est devenu un point d’entrée vers l’autre. En amour numérique comme à la guerre, laisser en “non lu” un message correspond presque à un casus belli…bref les exemples sont multiples qui prouvent que les fonctionnalités incitent et façonnent une partie des usages. Et que le bouche-à-oreille passe en cours de route à travers des algorithmes avec leurs propres logiques et agendas.
Les travaux d’Hiromi Ozaki posent aussi la question de ce que nous décidons de faire rester ou non dans nos vies connectées, de ce qui devient obsolète ou fondamental. L’artiste a adapté sa “Menstruation machine” pour en faire un wearable (comprendre : un objet portable) intitulé menstrualverse dans Decentraland, une plateforme de réalité virtuelle 3D décentralisée. L’objectif : permettre aux utilisateurs de vivre l’expérience de menstruation également dans ces mondes immersifs. Ce wearable a d’abord été refusé par Decentraland car il irait contre les principes de la plateforme. Après de nombreux échanges (allez lire le débat sur le forum, c’est passionnant), une version avec un liquide bleu est approuvé. 2023 : alors que même dans les publicités on a arrêté d’utiliser un flux bleu pour représenter les règles, il semblerait que l’avant-garde technologique fasse montre d’un étonnant puritanisme. Ce projet n’est pas anecdotique ; à mesure que la vivance prend un pas grandissant dans nos vies, la question de l’autonomie physique de nos représentations se pose, notamment s’agissant de nos avatars. Là encore, la question de la gouvernance des plateformes y compris sur la façon dont elles interprètent nos corps - et d’une certaine façon une partie de nos humanités - est laissée de côté. Surtout à mesure que celles-ci copient nos rythmes quant à eux bien réels (sur Animal Crossing déjà, une fois la nuit tombée, certains magasins ferment). Une mise en sourdine dangereuse qui pourrait conduire à des phénomènes de somniphobie dans les mondes immersifs. J’adore ce paragraphe de Junko Frantic :
“Mon coin de lit est un espace étroit et froid, peuplé d’idées parasites. Plus j’essaie de faire le vide, et plus les images s’insinuent sournoisement sous mes paupières. Certaines ricochent les unes contre les autres, en s’enchaînant dans des argumentations apocalyptiques. D’autres se contentent de titiller, picoter, là où ça blesse. Oppressée. Et puis, sans que je ne puisse la formuler clairement, il y a toujours cette vague angoisse irrationnelle de crever pendant la nuit.”
Junko Frantic
Mode vibreur désactivé.
Le chiffre de la semaine : 66%
D’après Cap Gemini, 66% des consommateurs rechercheraient des conseils d’un outil d’intelligence artificielle générative s’agissant de leurs interactions personnelles ou de leurs relations (amoureuses, sociales etc.).
Les liens épatants
C’est le cirque (marketing) du côté du Cirque du Soleil ou comment la vivance a modifié leur business model
C’est quoi les ordinateurs mainframe ?
…bon été !