Pèlerinage digital : trouver la solitude dans un monde connecté
Retrouver des moments de solitude volontaire semble de plus en plus recherché par les humains. Au-delà de la digital detox, le besoin de reconnexion explose
Mardi soir sur la Terre. Cette semaine est dédié au pèlerinage. Vous pouvez lire ce post en anglais. Et toujours découvrir mon livre. N’hésitez pas à m’écrire, commenter et liker :)
Partir en pèlerinage est une constante de notre humanité. Que ce soit à travers des pèlerinages spirituels (partir sur les chemins de Compostelle, faire le Hajj à la Mecque, participer au festival de Mazu à Taïwan…) ou bien en suivant des retraites plus ou moins longues, le besoin d’introspection et d’élévation se manifeste fréquemment dans nos vies.
Ce besoin d’échapper à l’unité de temps, d’espace, et d’action que les technologies numériques tendent à compresser trouve de nombreux échos. Notamment chez les plus jeunes.
Un pèlerinage solitaire pour paradoxalement rompre avec la solitude
Seuls sur Terre. Nous recevons près de 50 notifications par jour sur nos smartphones. Et pourtant, aux États-Unis, 15% des hommes, et 10% des femmes, déclarent n’avoir aucun ami proche. En France, d’après l’IFOP, environ 9,5 millions de Français vivent dans la solitude chronique, qu’elle soit subie ou parfois choisie.
Dans une étude de l’Université de Pennsylvanie menée en 2018 intitulée “No More FOMO: limiting social media decreases loneliness & depression”, des étudiants devaient restreindre leurs utilisations de Facebook, Snapchat ou Instagram à un maximum de 10 minutes par jour, et ce pendant 3 semaines. Les conclusions étaient sans appel : leur bien-être s’améliorait radicalement. Même si d’autres rapports nuancent les responsabilités des réseaux sociaux sur le sentiment de solitude, les bulles dans lesquelles nous évoluons contribuent à des effets d’isolement. Isolements des idées bien sûr, mais également isolement des communautés, des découvertes.
Austérité nécessaire : le mouvement du “digital minimalism”
À défaut de véritable pèlerinage, des penseurs comme Cal Newport développent l’idée d’un minimalisme digital. Le principe : ne garder que les outils numériques nécessaires à nos besoins et remettre au centre des usages l’intention des utilisateurs. Sur Reddit, la communauté /r/digitalminimalism regroupe près de 70 000 membres. Ils échangent de nombreux conseils comme par exemple désinstaller autant que possible les applications qui distraient notre attention sur nos smartphones et plutôt consulter les plateformes à travers un navigateur web sur ordinateur.
L’application Before Launcher sur Android propose de filtrer autant que possible les notifications des différentes applications, tout en personnalisant facilement les écrans d’accueil. En ajoutant de la friction dès le premier écran, l’interface permet de reprendre le contrôle et de rendre nos impulsions moins automatiques ou robotiques.
À la manière des ascètes qui se privent du superflu, il y aurait une forme d’austérité nécessaire pour reprendre le contrôle de nos usages.
Sanctuaires publics, sanctuaires pour soi.
De nombreux projets de sanctuaires de conversation se développent “in real life” comme le café Dial (contraction de dialogue) à Tokyo qui vise à inciter les couples à converser. Les bancs de l’amitié sont de plus en plus fréquents dans les plans d’urbanisme ou au sein des écoles.
Au Japon, les téléphones du vent - des cabines téléphoniques non reliées à une quelconque ligne - promettent aux vivants de discuter avec les défunts.
Mais c’est en ligne que des sanctuaires de nouvelle génération se lancent.
Au Canada, la Fondation Vimy a sorti en 2022 “Vimy : mémorial vivant – Le pèlerinage numérique” un espace virtuel de remémoration composé de plus d’un siècle de témoignages, qui promet de révéler les liens communs qui unissent les humains dans notre rapport aux conflits. Avec comme conviction que la mémoire est plus forte que l’oubli.
D’autres espaces donnent des airs d’errance et de reconnexion avec soi. Second Life continue à attirer des millions d’utilisateurs, qui acceptent le moteur technologique de ce monde virtuel pourtant bloqué dans des codes du passé. Plus qu’un jeu, l’humain semble tenir une place, un rôle, indépendamment de la finalité, au même titre qu’une texture ou un objet 3D. On y fréquente un univers qui nous procure à la fois un sentiment de nostalgie et de présence. Et au lieu de scroller dans l’infinité des vidéos TikTok, on fait avancer son avatar de façon gratuite ; un peu comme on recommence mille fois une partie pour le plaisir de voir si on peut passer à travers un mur ou non dans Prince of Persia.
Des sanctuaires familiaux connaissent un succès certain. BackThen propose un album de famille qui grandit chaque jour des photos des enfants. Une alternative aux feeds des GAFAM en n’ouvrant l’album qu’à d’autres membres d’une famille, approuvés et contrôlés. Une possibilité d’errer depuis la naissance jusqu’au jour présent et de se remémorer des moments joyeux ou douloureux. D’ailleurs, la plupart des albums ne sont ouverts qu’à 4 ou 5 personnes. Ce qui remet du sacré dans le stockage des images.
Ces pèlerinages digitaux visent peut-être à retrouver la candeur originelle en somme.
Le chiffre de la semaine : 2,63%
D’après RivalIQ, l’engagement médian sur TikTok pour les marques n’est que de 2,63% toutes verticales confondues. Et ce sont les institutions et entreprises autour de l’enseignement supérieur qui ont le plus de traction.
Les liens épatants
“The Art of The Prompt” offre une méthodologie pratique de 55 pages pour les créatifs et stratèges ainsi que pour les marques. (Google).
Le FOMO serait plus fort que le harcèlement dans les réseaux sociaux. (The Guardian).
Bonne semaine ! Mon essai “Réseaux sociaux : une communauté de vie” est toujours disponible chez vos libraires. La version anglaise “Alive In Social Media” est disponible sur Amazon.
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