Les téléphones du vent, sanctuaires pour se reconnecter aux défunts
Les wind phones, ces cabines téléphoniques déconnectées de tout réseau, rappellent le sens de la conversation dans une ère où tout devient achetable.
Deuxième édition autour des sanctuaires. Merci aux nouveaux abonnés ! Vous pouvez toujours commander mon essai. Et pour ceux qui préfèrent lire en anglais, c’est par ici.
Les réseaux sociaux sont en passe de devenir des espaces de plus en plus transactionnels. Dans une époque où tout et tout le monde est à vendre, trouver soudainement des espaces hors de toute considération mercantile ressemble à une forme de prouesse.
En parcourant l’Atlas Obscura, une plateforme qui recense environ 30,000 endroits merveilleux sur la planète, j’ai découvert les “wind phones” (ou téléphones du vent en français) au Japon. Ces cabines téléphoniques (non reliées à une quelconque ligne) visent à communiquer avec les défunts.
Une ode à l’imagination
Le premier “téléphone du vent” a été créé à Otsuchi par Itaru Sasaki, un paysagiste qui après le tremblement de terre et le tsunami de Tohoku a perdu son cousin. Cette cabine aide à faire le deuil. Aucun signe n’indique l’endroit où se situe la cabine. C’est une forme d’exploration, de quête afin de la trouver.
Interviewé en 2021 par Laura Imai Messina, M. Sasaki livre des explications encore plus profondes:
“Life goes by so fast and most of us find it unthinkable that our bonds with those around us might expire before we do. And so we need to cultivate imagination, starting from childhood. The Wind Phone doesn’t work without a good imagination. Rather than valuing only what we can see, hear and touch, we need to also recognize the value in things that don’t have a shape, a form, an audible voice.”
Itaru Sasaki
M. Sasaki donne une lecture intéressante de ce qui compte réellement : prendre le temps d’imaginer de nouveau, explorer le domaine sensible, écouter à travers les lignes.
Ce wind phone agit comme une apostrophe vers l’être perdu; la cabine crée de fait une unité de lieu, mais également de temps suspendu. Et d’action : la personne dans la cabine décide à travers un long cheminement de tenter d’entendre l’autre. Elle devient elle-même le téléphone ; pas étonnant que de nombreux visiteurs perçoivent réellement quelque chose lors de cette expérience.
Cette sensation quasi-magique pour ceux qui veulent bien y croire rappelle sans doute la notion de vivance dans les réseaux sociaux, la qualité ou l’état d’être en vie, celle qui repose sur l’imaginaire et la capacité à s’envoyer avec un interlocuteur dans une autre dimension. Il est intéressant que dans le cas des wind phones, c’est bien grâce à la déconnexion la plus absurde - un téléphone dénaturé de sa ligne, au-milieu d’un espace sauvage - que l’humain peut se reconnecter à l’autre.
Un artefact qui se multiplie à travers le monde
Des wind phones sont créés un peu partout dans le monde depuis ce précédent japonais. De certains États américains en passant par de nouvelles coutumes d’enterrement en Pologne, ils sont un marqueur de notre époque.
Sans doute le besoin de sanctuariser des moments importants, d’arrêter le temps et le monde des notifications pour être pleinement dans l’instant.
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Pure Poésie. Peut etre à prendre au pied de la lettre: la poésie comme une organisation de mot qui renvoient à une absence, un être-ailleurs. Et peut etre est ce de la vivance...