Billie ou Kendall Jenner, Tamika ou Naomi Osaka : la vivance synthétique
Les dernières annonces de Meta avec ses Meta AI ouvrent la voie à des humains de synthèse, avec en leur coeur la force des relations parasociales
Nouvelle édition d’En Vivance. Bienvenue aux nouveaux abonné(e)s. Le guide thématique peut vous aider à découvrir les archives de la newsletter.
Lors du dernier Meta Connect, Mark Zuckerberg a annoncé le lancement de 28 nouvelles intelligences artificielles, sur la base de Meta AI. La promesse : un nouvel assistant avec lequel nous pourrons bientôt interagir comme avec une personne. Notamment sur les applications de messagerie.
Là où le sujet devient spectaculaire est que chaque assistant disposera d’une personnalité propre. Et que Meta a basé ces personnages sur des célébrités. Kendall Jenner est donc “Billie”, un compagnon “no bullshit”, “fidèle jusqu’à la mort”, tandis que Naomi Osaka devient “Tamika”, une Sailor Moon en devenir, passionnée par les anime. Rien que ça.
La vivance est en train de changer le game. En portant les relations parasociales vers de nouveaux cieux.
Relations parasociales et intelligence artificielle : la combo qui tabasse
On en parlait déjà en janvier dernier : les relations parasociales conduisent les audiences, les humains, à développer des affects, des émotions, à l’égard de célébrités ou d’influenceurs hors de notre cercle proche. Le caractère unilatéral de cette relation avait déjà bien volé en éclats avec les réseaux sociaux et l’illusion de proximité. À force de voir une célébrité sur son feed Instagram, au-milieu des contenus des copains, les plateformes favorisent de fait une certaine habitude, un sentiment d’appartenance… “Ça s'imprime dans la rétine comme situation normale” dirait IAM.
L’intelligence artificielle promet l’étape d’après en s’enracinant encore plus en profondeur dans le coeur des gens.
En utilisant certains des principes de persuasion de Cialdini, on comprend mieux la feuille de route de ces Meta AI :
Sur le principe d’autorité, une Meta AI peut synthétiser et diffuser une énorme base de connaissances sur des sujets précis. Pas seulement comme une bibliothèque géante mais à terme en élaborant des réflexions articulées, évolutives
Sur la cohérence, elle peut garder une tonalité et un cap ; ce qui était autrefois très robotique est désormais de plus en plus sophistiqué
Sur la preuve sociale, des Meta AI peuvent agréger des millions de “suiveurs” autour d’elles, surtout quand elles sont les versions synthétiques de célébrités
Sur la sympathie, une AI peut à travers son langage et en naviguant sur certains codes culturels véhiculer une impression de connivence
Compagnons de vivance
Les Meta AI misent sur le développement d’affects réels à travers des échanges artificiellement réciproques. Les influenceurs et créateurs de contenus sont déjà sur les rangs afin d’augmenter leurs revenus à travers des avatars virtuels, comme Caryn Marjorie qui avait lancé CarynAI en mai 2023.
Les Meta AI misent sur le développement d’affects réels à travers des échanges artificiellement réciproques.
La logique de ‘compagnon’ n’est pas anecdotique : les AI veulent devenir un support continu et sur tous les points de contact. OpenAI a annoncé que son fameux ChatGPT peut désormais “voir, entendre, parler”, ajoutant non seulement de nouvelles fonctionnalités mais surtout des interactions sensorielles avec ses publics.
C’est la thèse de mon essai : les réseaux sociaux sont en train de faire passer l’humain d’un être en vie à un être en vivance, traduction du terme anglais de liveness, « c’est-à-dire la qualité ou l’état d’être en vie ». La vivance est à la fois une forme nouvelle de vie (connectée, de façon permanente), une substance (des flux qui viennent à la fois de l’usage des réseaux sociaux et qui les alimentent), un état (se sentir en vivance quand nous sommes actifs sur un réseau social), et même un capital (transmettre un niveau de vivance à son entourage ou même à ses enfants). Elle joue avec les dimensions spatiales et temporelles créées par le développement des infrastructures de communication comme internet. Le domaine de l’intelligence artificielle permet de jouer encore plus finement avec l’intensité de cette vivance. À voir quels compagnons seront ceux que nous choisirons de laisser cheminer avec nous.
Le chiffre de la semaine : 21%
D’après l’étude Born Social dirigée par l’agence Heaven, 21% des enfants trouvent que leurs parents passent trop de temps sur leurs téléphones.
Les liens épatants
Repéré chez
, cette chronique du podcast “Un monde nouveau” qui revient sur le cas Doja Cat. La star a assumé se mettre à dos une partie de ses fans et d’une communauté à laquelle elle a décidé de ne pas donner son approbationIntelligence artificielle et pop culture : je vous conseille de regarder cette séquence de la série K2000
- parle de l’arrivée des réseaux sociaux “synthétiques”
TikTok n’en finit plus de s’infiltrer dans la culture française avec le lancement de son premier concours de couture.
Nina Rolin livre dans un post Linkedin une réflexion intéressante : et si le futur dir. com. de la marque Camaïeu était un TikTokeur ?
Luxe luxe luxe ! Sur Linkedin, je remonte jusqu’en 2015 le compte Instagram de Louis Vuitton pour montrer l’évolution de la Maison…et de l’ère du temps
Bonne semaine ! Et n’hésitez pas à faire tourner cette newsletter.