À la recherche des indices de vivance
Les plateformes numériques créent ce sentiment étrange d'être en vie ou absent à travers les écrans. Entre UX et stratégie communautaire, voici une première modélisation.
Mardi soir sur la terre. Cette semaine, on décrypte les indices de vivance, notion abstraite pourtant bien concrète dans nos vies numériques. Le guide thématique est à jour et mon essai est toujours disponible chez vos libraires préférés ! Vous pouvez aussi lire cette newsletter en anglais.
La vivance -la qualité ou l'état d'être en vie - est une notion qui peut paraître abstraite a priori alors que nous évoluons tous les jours avec elle à travers nos écrans et nos smartphones.
Le repère le plus tangible : les trois petits points qui apparaissent quand nous sommes en train de composer un message et que notre interlocuteur voit apparaître sur son propre écran. Des petits points qui peuvent apparaître ou disparaître en fonction des hésitations, des mots effacés. Une conversation à deux - ou à plusieurs - qui prend naissance, qui prend des airs de musique avec un rythme, des bons mots, des respirations. Et parfois même une disparition ou un ghosting.
Les plateformes ont leurs règles de vivance
Chaque plateforme a sa propre ergonomie; et derrière nos conversations aux contours parfois hasardeux, bizarres, WTF, se cachent des réflexions profondes du côté des développeurs et des spécialistes de l’expérience utilisateur. Ce n’est pas si étonnant qu’Adam Mosseri, le “head of Instagram” (et un peu beaucoup de Threads) prenne régulièrement la parole pour expliquer les nouvelles fonctionnalités. Comme le porte-parole d’un gouvernement, M. Mosseri explique pourquoi Instagram a décidé d’ajouter tel ou tel bloc, quelle philosophie se cache derrière.
Libre ensuite aux utilisateurs d’adopter ou non un nouvel usage, de le hacker, ou même de ne jamais y prêter attention (au revoir les Guides sur Insta !).
La vivance a ses indices, et nous en avons une meilleure compréhension depuis les travaux de Fanny George. J’ai dessiné un première modèle de la vivance côté plateformes afin de mieux comprendre comment elles opèrent.
Le triptyque de la vivance : représentation et pouvoir, présence, activités
Toute modélisation a ses limites. Néanmoins, trois grandes catégories de fonctionnalités peuvent nous éclairer sur la façon dont les plateformes conçoivent leurs vivances.
La représentation et le pouvoir
Cette catégorie regroupe toutes les manières dont les plateformes présentent leurs utilisateurs en ligne, ou même les suggèrent à d’autres membres. L’élément le plus évident est quand un utilisateur voit son compte “vérifié”, par exemple la petite case bleue cochée sur Instagram. Un véritable Graal auparavant car au-delà de la reconnaissance pour le travail effectué sur son compte Insta, l’utilisateur se voyait suggéré à une audience plus large (donc pouvait obtenir des abonnés plus facilement). Pas étonnant que les nepo babies aient des followers dès le biberon car avoir un compte vérifié est bien sûr une démonstration de puissance.
Les accès en priorité à certaines fonctionnalités pour certains membres sont aussi une façon de représenter différemment les membres d’une communauté. Il y a une hiérarchie plus ou moins ouverte sur les plateformes.La présence
Autre type de fonctionnalités : la façon dont la présence des utilisateurs est mise en scène sur les plateformes. Concrètement, il peut s’agir du design sonore qui indique qu’une personne se connecte, mais également des petits rappels (comme les anniversaires).
Les plateformes qui souhaitent qu’on passe plus de temps chez elles tentent de miser sur des contenus intéressants (ou sur des utilisateurs plus aspirationnels) afin de nous inciter à retourner chez elles. Linkedin a beaucoup joué avec le “FOMO” en nous proposant régulièrement des emails pour nous dire à côté de quoi (et qui) nous serions passés.Les activités
La vivance, c’est aussi le type d’activités (donc le type de traces) qu’on laisse publiquement en ligne. Mon exemple préféré est sur Spotify, quand vous pouvez voir qui écoute quoi en ce moment (“friends activity”).
En mélangeant ces 3 catégories de fonctionnalités, vous pouvez vite identifier la stratégie de la plateforme. Et c’est souvent quand un décrochage a lieu, quand une fonctionnalité différentiante émerge, que la plateforme génère un regain d’intérêt.
Côté utilisateurs, ce mix représentation et pouvoir x présence x activités conditionne fortement la façon dont ils vont pouvoir s’exprimer, développer leurs conversations, et même créer des habitudes culturelles. Sans Instagram Story, le mot selfie aurait sans doute mis un certain temps avant d’entrer dans le dictionnaire.
Le chiffre de la semaine : -61.83% organic reach
La portée organique (ou organic reach) pour les non-spécialistes, c’est le nombre de gens que vous pouvez atteindre naturellement avec un contenu posté sur les réseaux sociaux. La conclusion de Neil Patel après avoir analysé plus de 15,000 comptes ? Il y aurait une chute de 61,83% depuis 3 ans. En d’autres termes, il devient toujours plus compliqué d’émerger sans achat média…ou sans une très bonne stratégie de contenus ou communautaire.
Les liens épatants
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