Pour des actes de gentillesse aléatoires dans les réseaux sociaux contre la violence ordinaire

Alors que les drames véhiculés dans les réseaux sociaux impactent fortement les adolescents, remettre de l'humain dans les échanges est sans doute la meilleure façon de reprendre le contrôle

Bienvenue aux nouveaux abonnés ! Le guide thématique a été mis à jour. Les 10 derniers jours m’ont amené de Genève à Amsterdam. Au coeur des échanges : une vraie volonté de retrouver un peu d’authenticité - et d’humanité - dans les réseaux sociaux.

Dans une étude du Pew Research Center, environ quatre adolescents sur dix (38 %) déclaraient se sentir submergés par les drames qu'ils voient sur les réseaux sociaux. Plus récemment, un jeune américain âgé de 13 à 17 ans sur deux était d’accord pour demander une autorisation à leurs parents avant d’ouvrir un compte sur un réseau social. Il est clair que le niveau de violence atteint est sans commune mesure ; si les enfants demandent l’intervention des adultes, c’est qu’il devient urgent de repenser la gouvernance des plateformes.

Dans cet écosystème tendu, une des voies possibles est de développer une culture des actes de gentillesse aléatoires ou “random acts of kindness” (RAK). Une terminologie très bien connue des community managers, qui était plutôt la norme aux prémisses des réseaux sociaux.

Mais c’est quoi, un acte de gentillesse aléatoire ?

Une habitude aussi ancienne que les médias sociaux

/random act of kindness (RAK)/ : "acte de gentillesse spontané" ou "geste de bonté aléatoire". Dans le contexte des réseaux sociaux, cela peut se référer à des actions bienveillantes ou généreuses effectuées de manière imprévisible et spontanée envers les clients ou la communauté en ligne de la marque ou personne. Cela peut inclure des cadeaux surprises, des avantages exclusifs, ou d'autres gestes qui visent à créer une expérience positive et mémorable pour les clients ou abonnés, renforçant ainsi la perception positive de la marque ou de la personne et favoriser l'engagement sur les plateformes sociales.

Au début du web 2.0, une des habitudes des premiers blogueurs était par exemple de créer des articles avec toute une série de liens qu’ils recommandaient. Une boucle vertueuse : le blogueur plus établi incitait sa communauté à découvrir des plus petits auteurs, ce qui avait pour intérêt de favoriser la création de liens forts, affinitaires.

Avec l’accélération des forums, mais également en août 2016 le lancement des fameuses Instagram Stories, on constata une explosion des mises en avant de talents ou d’autres comptes à travers ces formats éphémères. Les shoutouts, très populaires dans la culture hip-hop (le fait de citer un artiste, en direct à la radio ou dans des chansons), furent adapter aux nouvelles possibilités des réseaux sociaux. Plus récemment, pour souhaiter un anniversaire, il n’est pas rare de poster en stories un petit best-of de photos avec un ami. Un shoutout amical, en somme.

Les RAKs font désormais partie de l’arsenal des équipes de community managers, notamment du côté des marques et des célébrités. Le principe : provoquer un décrochage dans le flot de la communication, en donnant un signal inattendu, voire même inespéré, à un membre d’une communauté. La réaction escomptée ? Que la personne en question en parle sur ses réseaux sociaux, et fasse monter en épingle le bouche-à-oreille autour de la marque. Avec, à la clé, une amélioration de la réputation.

De la théorie à la pratique : jouer avec une monnaie sociale, apprendre à dire merci

Les RAKs peuvent être aussi simples qu’un "repartage" d’une story ou d’un post sur Instagram. L’artiste Agathe Clément a profité de ce petit signe de la part de Jacquemus pour en faire le point de départ d’une création vidéo en hommage à Simon Porte Jacquemus. Humanrace, fondée par Pharrell Williams, a un "highlight" dédié sur son compte aux meilleures contributions de sa communauté. Une attention qui est envoyée par la marque et sa force de frappe dans les réseaux sociaux pour mettre en avant un individu, un talent.

Les RAKs sont aussi des manifestations physiques ; les bureaux de presse connaissent bien la valeur d’un mot écrit à la main glissé dans un bouquet de fleurs pour une célébrité ou un influenceur, qui peut ensuite être tenté de le partager en ligne.

Du côté du monde du luxe, chez Tiffany & Co, les client advisors sont évalués entre autres critères sur un Net Promoter Score, leur capacité in fine à être recommandés, ce qui passe par différentes tactiques de RAK.

Ramener l’humain dans les échanges pour créer un sentiment de proximité

Une des raisons du succès de We’re Not Really Strangers, le projet de Koreen Odiney qui vise à briser la glace et plus généralement à favoriser une meilleure communication à travers ses jeux de carte, est justement de surprendre ses abonnés à travers des manifestations de gentillesse. Comme évoqué cet été, elle transforme des emailings qui ont parfois mauvaise réputation - trop commerciaux, trop de spams, trop de vide - en petite attention à destination de son public.

Un acte de gentillesse peut aussi cibler une communauté plus large, comme Louis Vuitton lors du lancement de son canal de diffusion LV CIRCLE. Sur ce nouvel espace, des messages vocaux de célébrités mais également des annonces exclusives comme la reconduction du contrat de Nicolas Ghesquière sont diffusées.

L’intérêt pour ces actes va fondamentalement croître avec les dernières annonces de Meta notamment sur Instagram. En proposant de déployer les mécaniques d’"amis proches", Instagram va permettre de jouer avec une certaine hiérarchie entre les abonnés de leurs utilisateurs.

Des actes de gentillesse spontanés que tous les membres d’une communauté pourraient favoriser

Des actions très simples peuvent être diffusées sur nos réseaux, à différentes niveaux.

• Géraldine Dormoy
  met très souvent en lumière de belles personnes dans sa newsletter, comme Madame Pouzieux. C’est un acte gratuit, sincère. Et ça fait du bien.

• Daniel Giacopelli
  nous fait voyager à travers des histoires ordinaires qui deviennent extraordinaires. Il tend son micro en quelque sorte pour faire voyager et surprendre sa communauté

• Lise Pierron offre à ses “amis proches” sur Instagram toute une série de découvertes qui lui tiennent à coeur, en photo ou vidéo

• Dans les communautés de poésie, je suis toujours subjugué par la culture du shoutout, comme ce que fait avec une immense sincérité Justine de

  Plume d'étoiles
  , ce qui permet de découvrir des myriades d’auteurs

• Emery Doligé invite parfois de façon spontanée un de ses abonnés à déjeuner, afin d’échanger, débattre, se discuter

En d’autres termes, de l’humain et de l’authenticité.

L’émoji de l’année (pour Tinder) : 🅿️

Sur Tinder, l’émoji 🅿️ (à la base l’émoji parking, mais qui est également associé à “Pushin P” en référence à la chanson du Gunna) a été l'emoji le plus tendance au niveau mondial en 2023. Un changement intéressant par rapport aux emojis tendance des années précédentes (🤦en 2019, 🤷en 2020 et 👀en 2021), les membres se sont tournés vers 🅿 pour faire la promotion de la "positivité" et de l’authenticité.

Les liens épatants

• J’ai compilé tous les rapports de tendances 2023 sur les réseaux sociaux ainsi que des prédictions 2024

• J’ai lancé la version anglaise de cette newsletter, que j’ai appelée ALIVE IN SOCIAL MEDIA. Partagez-la à vos contacts non francophones of course.

• Les RAKs appliqués au monde du luxe, c’est à lire sur….le Journal du Luxe

• Pantone a annoncé que la couleur “Peach Fuzz” sera la couleur de l’année 2024. Des tons apaisants, cozy.

Bonne semaine à vous ! N’hésitez pas à partager cette newsletter, à la recommander à vos amis : chaque nouvel abonné est une petite motivation de plus. Mardi prochain, ce sera la dernière newsletter de l’année avant une petite trêve festive, et très déconnectée. Prenez soin de vous.