Les paracosmes, nouvelles réalités numériques
L'enfant en nous est une source d'inspiration sans fin. À l'ère des Meta AI et autres ChatGPT, les rêves enfouis pourraient bien prendre vie.
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Le paracosme, néologisme dont l’étymologie vient du grec cosmos (l’univers ordonné) et para (à côté de), est une notion en pleine effervescence depuis les récentes annonces de Meta ou encore OpenAI. En jeu : la possibilité de créer des univers immersifs à côté et à l’intérieur de nos réalités, tout en y développant des relations parasociales.
Le paracosme est un monde imaginaire généralement créé pendant l'enfance. Dans un paracosme, l’individu développe des sentiments profonds dans cet univers subjectif, qui peut inclure des héros, des personnages et des conventions réels ou purement inventés. C’est une partie du monde que les enfants créent quand ils jouent seuls, ou avant de s’endormir. Un monde qui possède sa propre topographie, ses propres histoires, et artefacts. Qui est peuplé de héros et de monstres, et dans lequel l’enfant joue un rôle clé. “L’univers existe pour que j’existe” écrivait Amélie Nothomb dans Le Sabotage Amoureux, insistant sur la capacité qu’elle avait enfant de superposer à la réalité factuelle sa propre interface fictionnelle, et ses propres règles.
Mondes permanents et récurrents
Ce paracosme accompagne l’enfant pendant de longues périodes selon des spécialistes. “Les enfants (…) interagissent avec un compagnon qui est le produit de leur imagination, et s’entretiennent avec celui-ci pendant de longues périodes, variables entre quatre et six ans”. Voire jusqu’à l’âge adulte.
Les paracosmes sont des territoires de plus en plus travaillés dans les écosystèmes numériques. Ils offrent de nouveaux imaginaires qui se fondent dans les nouvelles capacités numériques pour les transformer en expériences immersives. Ils sont des moteurs à vivance (la qualité ou l’état d’être en vie dans les espaces numériques).
Une source d’inspiration pour de nombreux créateurs comme Tolkien d’après George Janes qui insiste également sur l’importance de nombreux paramètres : grands moments historiques, situations familiales ou encore changements technologiques.
“For Tolkien, what began as a childhood creative endeavour in which he created complex languages began to take serious form in his early 20s, drawing heavily from his wartime experience whilst serving at the Somme during the First World War”.
George Janes
Dans les jeux vidéo ou l’art, le paracosme s’affranchit de contraintes terrestres, de la réalité, pour imposer de nouvelles lois physiques, ou explorer de nouveaux attributs. Dans Zelda, nous avons tous rêvé d’être Link, de collecter les rubis et de prendre un portail à la place du métro. Un contrat de lecture est passé avec les auteurs de ces paracosmes : accepter de croire et de suivre leurs règles, et d’apprivoiser ce gameplay.
La différence étant que la partie ne s’arrête pas en débranchant la console ou en refermant le livre : le paracosme suit l’enfant (puis l’adulte !) qui y retourne volontairement ou non, ou fait appel à lui quand il en a besoin. À travers une forme de souvenir-écran comme l’explique Ruby Justice Thelot.
Paracosmes partagés, relations parasociales ressenties
L’accélération des technologies en “spatial computing” et la façon dont sont conçus les compagnons numériques amplifient l’importance des paracosmes (vous pouvez lire le post de
sur l’intimité artificielle).ChatGPT s’adapte à nos moi les plus intimes et offre un champ grandissant d’expression autour de nos paracosmes : texte, audio, images, etc. La technologie Meta AI commence à être déployée un peu partout et notamment sur WhatsApp, ce qui va permettre de donner vie à de nombreux personnages numériques faits bien sûr pour nous aider dans la vie quotidienne mais surtout pour nous divertir. Les amis imaginaires que nous créions quand nous étions enfants vont soudainement se mettre à exister, de façon pérenne, évolutive. Ils vont jouer à plein les relations parasociales :
“les membres d’un public, les audiences, peuvent ressentir et développer une relation psychologique avec des artistes, des performers, des célébrités, que ce soit dans des fictions pures (par exemple une série) ou des mises en scène comme dans les talk-shows.”
Dans les jeux vidéos, on parle souvent des NPC (non playable characters) - les personnages non joueurs - qui font partie du décor. Avec l’intelligence artificielle, ces êtres numériques vont avoir un rôle à jouer. À titre individuel bien sûr, mais également collectif : on peut rapidement imaginer que des personnages créés sur WhatsApp soient plus courtisés que d’autres, et que donc uniquement certains membres d’un cercle aient accès à celui-ci.
Meta AI vient d’ouvrir comme première fonctionnalité la bien-nommée “Image Me” : des rêves éveillés, en somme.
La date de la semaine : 16 juillet 2010
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