Nouvelle semaine, nouvelle newsletter (finie bien trop tardivement) ! Plus intense de mon côté, le rythme est sensiblement effréné (d’où l’envoi un mercredi, scandale !). J’en profite au passage pour remercier les nouvelles librairies qui ont commencé à distribuer mon essai. Et aux nouveaux abonné(e)s, bienvenue ! Partagez cette newsletter à vos contacts, parlez-en autour de vous !
C’est une question qui revient à chaque petite révolution technologique : les communautés en ligne ont-elles une forme de cycle de vie (et donc de mort) ?
Une question qui est peut être reliée à une forme de nostalgie d’une époque, ou à la frustration de voir un espace en ligne qui était entré dans le quotidien disparaître. Je me rappelle être devenu fou quand le forum d’un groupe de punk rock californien (This Is For Brodie, introuvable en ligne 20 ans plus tard) avait fermé du jour au-lendemain (hébergement non renouvelé visiblement), laissant leurs fans sans plus aucune ressource pour écouter leurs titres ou accéder à leurs enregistrements live. Ou quand Myspace en 2019 a perdu tout le contenu uploadé par les utilisateurs avant 2016. Au-delà des textes, photos, chansons effacés, c’est tout un pan de la vie des gens qui peut soudainement disparaître. Les données sont stockées physiquement dans des serveurs, chose que l’on oublie parfois quand on travaille autour des réseaux sociaux.
D’ailleurs de nombreuses conversations sur Reddit prouvent que des milliers d’internautes sont curieux de la façon dont on échangeait aux prémices des réseaux sociaux. Une curiosité d’archéologues amateurs qui est peut être une nouvelle forme de Fernweh.
Des hypothèses particulièrement pertinentes émergeaient déjà d’une étude de 2012 menée par des chercheurs de Stanford, “The Life and Death of Online Groups: Predicting Group Growth and Longevity”. Deux forces semblent entrer en jeu :
la croissance basée sur la diffusion, c’est à dire la façon dont un groupe ou une communauté parvient à grandir à travers les liens sociaux des membres (amitiés, connaissances etc.) avec des “prospects” extérieurs
la croissance hors diffusion, c’est à dire les mécaniques d’acquisition de nouveaux membres sans que ceux-ci n’aient de liens avec des membres de la communauté.
Dans le premier cas de figure, par exemple un groupe Whatsapp de voisins, l’acquisition de membres se fait naturellement mais atteint vite un pallier maximum. Il y a une légitimité forte de ce groupe et un intérêt qui peut tenir la distance. Peu importe la plateforme puisqu’on se repose finalement sur des logiques de socialisation qui partent de la vie réelle.
Pour la seconde force, une explication peut être une fonctionnalité distinctive que le réseau propose qui permet d’exploser la base d’utilisateurs. Quand Instagram se lance en octobre 2010, cela coincide avec l’arrivée de l’iPhone 4, véritable appareil photo de poche. La plateforme propose à l’époque probablement le meilleur système de chargement et de partage d’images, tout en rajoutant des filtres, et en permettant la diffusion des images sur pléthore d’autres réseaux sociaux. Avantage technologique, ère du temps et effet boule-de-neige permettent alors une explosion du nombre d’utilisateurs. Mais cette croissance hors diffusion peut aussi être purement affinitaire. En France, les forums de pêcheurs regroupent des centaines de milliers de membres, sans parler des plateformes dédiées aux anime ou plus généralement à la culture japonaise. Ces plateformes semblent être restées figées en termes d’esthétiques dans le début des années 2000, et ce n’est pas vraiment important pour les passionnés à la recherche de pépites, de discussions d’initiés, et progressivement une forme de socialisation.
C’est finalement quand diffusion et hors diffusion se croisent que les audiences peuvent rapidement grandir. Sur TikTok, suivre ses “vrais” copains est mélangé à des contenus reliés à des sujets de niche servis aux utilisateurs. Une logique de découverte, de divertissement et en même temps de conversations via les messageries privées qui bouleversent la façon dont se lient les communautés. Plus si facile de rejoindre une communauté aussi facilement qu’à travers un forum puisque la cooptation est de mise pour être invité dans un groupe Telegram ou sur Line. Pourtant c’est là que l’influence se joue et que les phénomènes de viralisation opèrent : les actions plus privées (partager la vidéo trop LOL sur le groupe familial, sauver un contenu pour plus tard) sont analysées en temps réel par les plateformes. Qui comprennent alors nos envies et intérêts pour nous regrouper dans des “coins” de la plateforme et nous servir des contenus que nous sommes censés attendre mais plus étrangement nous proposer des vidéos ou des sujets dont nous n’avions pas manifestement démontré l’envie. Et qui tombent dans le mille. La force des “lookalike audiences” pour quiconque travaille dans la publicité de près ou de loin : à grande échelle, nous ressemblons à d’autres utilisateurs ce qui permet aux plateformes de continuer à nous surprendre (et donc à éveiller de nouveau notre intérêt pour elles).
A chacun notre vérité, en somme.
Le chiffre de la semaine : 81%
D’après une étude d’American Express Travel, 81% des interrogés pensent se déconnecter totalement pendant qu’ils sont en vacances afin de vivre pleinement le moment. Une tendance de fond qui dépasse l’effet de mode ou une position purement anti réseaux sociaux. Plusieurs explications peuvent être avancées :
à la manière d’une partie de jeu vidéo en ligne, quitter subitement le game est une forme de petite satisfaction rageuse (c’est mal, mais ça fait du bien)
peut-être est-ce la manifestation d’une forme d’immense fatigue tout le reste de l’année avec les milliers de notifications qui nous occupent le cerveau conduit à une envie de sevrage. Un peu comme “Dry January”, on ne quitte pas franchement l’addiction, on se crée une période tampon de remise en forme. À voir si au retour des vacances, les interrogés utiliseront leurs smartphones avec modération
c’est aussi sans doute en partie une expérience…communautaire : sur les réseaux sociaux, des milliers de posts d’utilisateurs racontent leur expérience de déconnexion et donc de reconnexion supposée.
Un rappel que la vivance continue à évoluer même hors ligne.
Les liens épatants
Expérience effrayante et géniale par des chercheurs de Google et Stanford qui ont utilisé ChatGPT pour créer des personnages qui ont des traits plus ou moins humains, qui vivent et interagissent dans un jeu vidéo en milieu clos intitulé Smallville. Et les personnages développent effectivement des comportements et des réactions proches d’une partie de la réalité.
“Grosse fatigue et épidémie de flemme” : c’est le titre d’une étude révélée par la Fondation Jean Jaurès. “Si 31% des Français disent ne pas se sentir suffisamment solides mentalement pour tout affronter dans leur vie quotidienne, c’est le cas de 40% des 25-34 ans”. Tout va bien.
…à bientôt ! N’oubliez pas de partager, commenter, “liker” !