Trash Trésor
Des créations à partir de nos déchets électroniques et de nos traces numériques questionnent notre relation avec les ordinateurs et les smartphones. Ou comment le précieux émerge de nos usages.
Mardi soir, nouvelle édition ! Le guide vers les principaux articles et la section presse ont été mis à jour. Vous pouvez aussi lire ce post en anglais.
Des marques de joaillerie comme Emblème proposent une approche originale pour la création de bijoux : chaque gramme d’or provient de composants électroniques présents dans les ordinateurs ou autres smartphones, sourcés à une heure de Paris.
Une démarche vertueuse qui part d’un constat déroutant : d’après l’UNITAR (United Nations Institute for Training and Research), un humain générait en 2022 plus de 7.8kg de déchets électroniques par an, une statistique en progression de 82% depuis 2010.
Et moins d’un quart de cet “e-waste” serait recyclé.
Une culture du “make-it-yourself”.
Les initiatives se multiplient pourtant à travers le monde. L’équipe de Formula E Envision Racing a lancé en 2023 une compétition afin que les publics scolaires construisent des voitures de course sur la base de déchets électroniques. Non seulement une façon de mieux comprendre comment les objets du quotidien sont fabriqués mais également le désir de créer une culture du “make-it-yourself”.
Au-delà de la mise à disposition de kits, c’est toute une série de dispositifs qui invite à pousser l’imagination des gens pour créer des objets toujours plus personnels, toujours plus exclusifs, tout en apportant des débuts de solution pour la planète.
Gomi a récemment lancé un haut-parleur construit à partir de sacs en plastique théoriquement non recyclables, et de lithium des batteries récupérées sur les vélos électriques. À la clé des motifs uniques, tout en figeant dans le temps dans un bel objet ce qui n’aurait pu être qu’un amas.
Des déchets aux souvenirs : transformer le e-waste mémoriel en objets
En 2012, Meshu (lancée par Sha Hwang et Rachel Binx) partait d’une intuition géniale : les parcours que nous opérons chaque jour peuvent avoir un sens intime pour nous. Chaque fois que nous “check-inons” dans un lieu, c’est une partie de nos vies qui se documente et se raconte. Le restaurant préféré, la boutique qu’on adore, le chemin plus long mais qui nous fait passer devant une fresque : nos fragments d’émotions enregistrés quelque part dans des disques durs.
Pourtant, retourner dans nos archives n’est pas si aisé, surtout à mesure que le nombre de réseaux sociaux ou d’applications sur lesquels nous avons des comptes explose.
Meshu proposait de récupérer les données des utilisateurs depuis Foursquare (ultra populaire à l’époque) ou via un outil de cartographie. En triangulant les coordonnées, des formes se créaient, et pouvaient être ensuite transformées en bijoux.
Un des usages de Meshu était de permettre d’offrir à des amoureux des bijoux qui rappelaient les premières rencontres, les cafés qu’ils fréquentaient, etc.
Une preuve déjà à l’époque de la vivance de nos traces numériques - la qualité et l’état d’être en vie - que Meshu figeait dans le temps à travers un objet, qui peut durer au-delà de la pérennité d’une plateforme.
La vivance du code
C’est une vérité humaine : au-delà du flux et de l’instantané, nous voulons des marqueurs solides, tangibles, vers lesquels nous pouvons mieux nous rappeler une époque.
Mais comment montrer en direct ce que nous ressentons instinctivement dans nos usages numériques, à savoir cette impression de vie déroutante ?
C’est à l’avant-garde de l’art que la démonstration a lieu. Le duo derrière 404.zero - qui “peint avec des mathématiques et du code” - a lancé un projet intitulé In Noise We Trust (INWT), le premier véritable projet d'art numérique audio-visuel génératif en temps réel entièrement sur la blockchain. Chaque INWT est comme une performance en direct du code et non une vidéo enregistrée de la performance. Une partie des informations présentes dans le code est d’une certaine façon matérialisée de façon visuelle et sonore. La navigation sur la plateforme donne l’impression de plonger à l’essence des codes obscurs ; et comme un stagiaire-chirurgien, de voir au-delà de l’enveloppe physique ce qui fait vibrer nos interfaces.
Du code fait de chair et d’os en quelque sorte.
Le chiffre de la semaine : +13%
Selon la Fédération internationale de l'industrie phonographique, les revenus des CD et des vinyles ont augmenté pour atteindre 5,1 milliards de dollars l'année dernière, soit une augmentation de 13 % entre 2022 et 2023. Simple, basique, tangible.
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Brillant, as usual.