Wes Anderson ou comment les réseaux sociaux font le saut dans les étoiles
La dernière tendance TikTok prouve qu'en matière de poésie et de vivance, les utilisateurs sont capables d'enchanter le banal et le quotidien.
Transformer l’ordinaire en extraordinaire, c’est parfois un des petits plaisirs des réseaux sociaux.
Wes Anderson, dont l’univers créatif est reconnaissable entre mille, est également devenu un phénomène sur TikTok, avec déjà plus de 806 millions de vues (!) autour d’une tendance éponyme.
Le principe : faire des petites capsules vidéos en partant d’une phrase en forme d’injonction, “please don’t act like you’re in a Wes Anderson film”.
Là où la tendance devient intéressante est quand elle est appliquée à des univers loin du divertissement, et qui tapent pourtant droit au cœur. Ma vidéo préférée est celle de Valeria Shashenok, jeune Ukrainienne qui a su attirer des millions de followers en documentant sur TikTok son quotidien sous les bombes russes. Un ton humoristique pour dénoncer une situation horrible.
Les ingrédients sont certes connus mais l’alchimie autour de cette tendance Wes Anderson est assez spectaculaire :
des codes visuels reconnaissables : des angles symétriques, des couleurs pastel (en particulier en écho à son film Asteroid City)
des expressions du visage impassibles
la part belle laissée à du banal, à des détails du quotidien, soudainement esthétisés et rendus importants
une musique entraînante
un montage qui laisse espérer une chute ou une surprise à tout instant
Émile Zola faisait déjà part dans une lettre à Henry Céard en 1885 de son obsession de chercher à faire “le saut dans les étoiles sur le tremplin de l’observation exacte”. En d’autres termes, progressivement amener le lecteur vers le monde sensible sans pour autant se détacher du réel. Un sentiment très difficile à expliquer et que nous expérimentons dans certains moments de grâce. C’est sans doute dans cette tradition que s’inscrivent ces millions de petites vidéos réalisées à partir de modèles et qui n’en finissent pas de se décliner.
Mais pourquoi Wes Anderson et pas un autre réalisateur ? C’est là que les communautés de fans donnent le poids réel d’une idée. Le compte Tumblr Wes Anderson Palettes tourne depuis des années en ligne, en dévoilant les différentes couleurs de scènes mythiques.
Ou encore Accidentally Wes Anderson sur Instagram, un compte suivi par presque 2 millions de personnes et qui recense des lieux du monde qui ressemblent à l’univers du réalisateur.
Ces communautés se regroupent autour d’une mission, délimitée dans son format d’expression (soumettre une photo, étudier la colorimétrie d’une image, adapter un modèle TikTok pour faire une vidéo) et dans sa finalité (se connecter à d’autres Wes Anderson-iens, surprendre etc.). Ce décrochage créatif du quotidien est ce qui fait d’abord comprendre, puis adhérer les gens; pour ensuite à leurs tours tenter d’y apporter leurs propres contributions. Georges Perec dans Radioscopie parlait de l’importance du “bruit de fond de la vie”. Et que finalement on ne prend pas la peine de voir la beauté et l’exceptionnel dans ce qui ronronne tranquillement.
“Quand un métro circule, les gens sont des espèces de petites entités presque hostiles. Si le métro s’arrête, s’il y a un incident, s’il y a quelque chose qui déchire le quotidien, alors là les gens vont commencer à se parler”.
Georges Perec
Vive l’éloge de l’ordinaire, bien au-delà des selfies.
Le chiffre de la semaine : 300 millions
En Chine, 300 millions de femmes utilisent l’application Meiyou, qui permet de suivre les cycles menstruels. Autour de cette fonctionnalité, différents services ont émergé comme un marketplace dédié, ou la possibilité de prendre des rendez-vous avec des gynécologues. Les utilisatrices peuvent même rejoindre des groupes de discussions. Un des usages les plus étonnants est le partage de petites prières, les jieyima (接姨妈) (ou littéralement “recevoir une tante”, une image qui renvoie à l’idée que l’on aurait ses règles si on rencontre une autre femme ayant présentement ses règles). La force de la vivance est dans la conversation !
Les liens épatants
La génération Dorothée est très active en France; pas étonnant dès lors que pour le lancement du film Transformers : Rise of the Beats, l’ancienne animatrice ait été choisie pour être la voix française d’Airazor. Le dessin animé avait notamment été diffusé en 1987 dans Récré A2 présentée par Dorothée avant qu’elle ne parte pour TF1 lancer le Club Dorothée nous apprend Premiere. Une façon d’avoir une petite histoire dans l’histoire (et d’attirer ainsi les médias et les communautés en ligne)
Netflix a partagé sa dernière étude “Point d'étape sur nos progrès en matière de diversité dans nos productions et sur le Fonds Netflix pour l'égalité des chances” ; des enseignements sur la représentation et donc sur les effets de réciprocité quand on connaît le poids de la firme au toudoum dans toutes les cultures populaires
…à bientôt ! N’oubliez pas de partager, commenter, “liker” !