Alors on danse ?
Ou comment la réalité virtuelle devient un terrain de jeu social et existentiel.
Je vis dans un monde virtuel
Je sais bien que tu finiras
Par te détendre
Toi qui préfères les pieds sur terreMatthieu Chedid, Monde virtuel (1999)
Le New York Times faisait récemment l’éloge de la plateforme VRChat, et notamment la tendance des VR Parties, des expériences de fêtes en réalité virtuelle qui se rapprochent de celles des discothèques “réelles”.
Le musicien Turels (un nom d’emprunt), diagnostiqué de la maladie de Still, a ainsi pu continuer à créer grâce à la réalité virtuelle et des équipements spécifiquement conçus. Une façon pour lui de “reprendre une partie de sa vie” et de contrecarrer les symptômes dont il souffre.
L’accessibilité est un des grands enjeux du web. Si le sujet se focalise souvent sur le handicap et sur comment des moyens techniques permettraient d’inclure un plus grand nombre de citoyens, c’est également sa dimension sociale qui est en jeu comme dans le cas de ces VR Parties.
Constat sans appel : les rencontres issues de ces fêtes virtuelles se prolongent sur la plateforme Discord, où de véritables communautés se créent, développant des noeuds de socialisation auprès de gens qui autrement n’en auraient plus la capacité, et qui pourraient bien intéresser une partie des 15% d’hommes et 10% de femmes qui déclarent n’avoir aucun ami proche. Le passage d’une expérience virtuelle à une socialisation intermédiée intéresse de plus en plus de nouveaux acteurs.
Dans le monde des jeux vidéos, c’est l’armée américaine qui infiltre certaines franchises comme Call of Duty et les streamers sur Twitch d’après Vice, afin d’accélérer le recrutement de certaines minorités.
S’agissant des VR Parties, des communautés peuvent-elles se créer ex nihilo en s’affranchissant de biais socio-démographiques ? Une approche intéressante qui nécessite un investissement-temps phénoménal de certains membres de la communauté, à travers un rôle de modération, d’éducation, de présentation, comme sur les salons de chat. Mais qui pourrait là-encore inviter à repenser le travail des aidants, des bénévoles — ou même les métiers du social. Après tout, si des associations organisent des maraudes solidaires, pourquoi les orchestrer sur un serveur Discord serait-il inconcevable ?
Le mot du jour : dabloons
C’est un phénomène massif sur TikTok qui prend le contrepied des discours sur l’inflation ou les apôtres des crypto-monnaies. En “scrollant” sur TikTok, vous voyez apparaître une vidéo taguée #dabloons qui utilise la fonctionnalité “diaporama” de l’application. À la fin de la vidéo, un mystérieux chat vient vous dire si vous venez de gagner des dabloons, une mystérieuse monnaie virtuelle, ou si au contraire vous venez d’en perdre. Et bien sûr, les dabloons n’existent absolument pas.
Ce qui peut apparaître comme une jolie blague de la culture web cumule déjà plus de 1,4 milliard de vues sur TikTok, et commence à prendre vie auprès de millions d’utilisateurs de la plateforme : tutoriels pour créer des dabloons, création de petites applications pour suivre combien de dabloons on gagne ou on perd (plus facile qu’un tableau Excel)…La preuve qu’une histoire partagée même sur des éléments totalement absurdes peut lui donner vie…et vivance. Le dadaïsme des temps modernes en somme.
Les liens épatants
Xavier De la Porte a rencontré Ethan Zuckerman pour le podcast “le code a changé”. Il s’interroge sur la disruption supposée du Web3, et sur la notion de taille critique pour les réseaux sociaux. Son point de vue : plutôt que d’essayer de trouver une alternative à Facebook, faire en sorte qu’un utilisateur soit membre d’une myriade de petits réseaux, de tailles différentes et qui obéissent à leurs propres règles. Il prend notamment comme exemple la plateforme de fan fiction Archive Of Our Own (à 13’25). Et pose la différence entre logique de modération et logique de gouvernance.
“Tout constituer en propriété privé a juste pour effet que ce sont d’autres gens qui possèderont tout”.
Ethan Zuckerman
Benjamin Simmenauer (IFM) revient sur l’année 2022 du côté de la mode. Un décryptage intéressant “nous pourrions nommer cette période d'« exhibition en chambre », l'objectif étant de se vêtir exclusivement pour ses téléphones”. Un corps à destination des autres, en vivance pour les réseaux sociaux ?
…à bientôt !