Substack : le grand retour du blogging et du "mieux influence"
Substack et de nombreux influenceurs sont en train de lancer de nouveaux projets éditoriaux basés sur le texte et les contenus longs. Un retour du sens et de la connexion. Et du "mieux influence" ?
Mardi soir, nouvelle édition ! Bienvenue aux nouveaux abonnés, nous sommes un peu plus de 1200 désormais (et vous pouvez lire cette lettre en anglais par là). Cette semaine, nous faisons un retour vers le futur…
Le blogging est de retour. De nombreux auteurs, journalistes, stylistes, insiders sont en train de faire vivre une renaissance au format long, principalement écrit. The Guardian notait dès janvier 2024 que même les shopping influencers se ruent sur Substack afin de mieux consommer et de découvrir de nouvelles marques.
Une tendance de fond qui souligne les profondes aspirations des citoyens à travers le monde pour des médias sociaux qui font plus sens, qui interrogent.
Une fatigue des feeds et le souhait de remettre du sens
On ne peut pas passer plus de temps en ligne que ce que nos vies - et nos contraintes physiques - ne nous y autorisent. C’était une des conclusions du rapport de GWI en 2022 qui prouve que nous avons atteint un plateau en termes de temps passé moyen sur internet après les pics des différents confinements.
Si l’intensité de l’expérience peut encore s’accroître, de nombreux observateurs constatent une certaine fatigue des utilisateurs. L’océan de contenus souvent similaires et la culture du feed exacerbée sur TikTok ou Instagram conduisent à une certaine apathie, voire même à un certain rejet des réseaux sociaux.
A contrario, les newsletters - ou le format blog - permettent d’entendre la voix intérieure d’un auteur, d’une écrivaine, d’un styliste etc. Les lecteurs retrouvent un certain plaisir à recevoir avec parcimonie un contenu bien écrit, pour lequel ils ont choisi de s’abonner.
Nina Miyashita pour Vogue Australia explique que s’abonner à une newsletter est un acte éminemment intime : “subscribing to a newsletter brings a sense of intimacy to our reading habits, almost pen pal-esque in its style and the way it regularly lands in our inbox.”
Une valorisation de la correspondance, en somme. Alors que les réseaux sociaux comme TikTok nous donnent une impression de proximité, l’écrit partagé donne curieusement plus de force aux liens qui s’opèrent entre un auteur et sa communauté.
Un réseau social est en soi très intrusif : il demande de nombreuses photos et une versatilité d’informations personnelles. En étant membre d’une newsletter, celle-ci n’apparait que dans un espace encore plutôt protégé (notre boite email); libre à l’abonné d’engager la conversation avec l’auteur (ou non) qui cherche avant tout à être lu (plutôt qu’à être liké).
Il se crée donc une attente, un temps sans doute plus long; la lettre doit être ouverte à l’envi ou alors recherchée volontairement. Nous ne sommes pas obligés de souffrir de vidéos suggérées par un quelconque algorithme : les plateformes de blogging ou de newsletters redonnent une certaine liberté aux membres.
Des auteurs de qualité, des audiences en croissance : le “mieux influence”
Comme après la bulle Internet du début des années 2000, de nombreux talents ont été licenciés ces derniers mois : spécialistes des nouvelles technologies, ingénieurs dans certains laboratoires d’innovation de grandes marques, sans parler des stylistes, journalistes, ou autres personnes qui gravitent autour des médias. Il y a pléthore d’exemples. D’un autre côté, la création de contenus vidéos semble assez saturée avec un niveau de plus en plus exceptionnel et qui paradoxalement ne se prête pas à tous les sujets. Un vivier d’auteurs pointus a soudainement eu du temps. Des personnes qui savent écrire avec brio, et qui sont en train d’adopter des plateformes en pleine explosion comme Substack (lancée en 2007) ou Kessel en France (lancée en 2022).
Parallèlement, d’anciens blogueurs comme Garance Doré sont en train de monter des newsletters de très bonne facture, leur donnant une tribune afin de développer des récits plus personnels.
Business Of Fashion parle même de Substack-ification de la beauté : d’après Jessica DeFino, la recette magique tient dans le modèle de rémunération des auteurs qui rejette la logique publicitaire des réseaux sociaux.
“You take advertisers out of the equation, you take affiliate sales out of the equation, and what lies on the other side of that is just like a much richer discussion and exploration of beauty”
Jessica DeFino
Talents, technologies de publication, vraies demandes des publics : cette conjecture conduit dans tous les cas à une adoption forte du format newsletter / blogging. Un format qui séduit car il permet aux auteurs de reprendre la main sur la relation avec leurs communautés (quoi de plus fort et d’intime qu’un email vs un post Instagram ?), et de documenter une passion sur une temporalité choisie. Et tout simplement d’être moins sous pression !
Rebecca Fishbein a tweeté une pensée très pertinente : plutôt que de courir après une audience toujours plus large, en partageant chaque détail de nos vies, il serait plus intéressant de cultiver une notoriété auprès de publics qui se sentent vraiment impliqués, en restant dans son périmètre, dans le domaine dans lequel nous apportons de la valeur.
Contre le plus d’influence, on sent monter le désir de “mieux influence”.
Les producteurs de contenus se retrouvent un peu plus maîtres de leurs destins et de leurs business models : les abonnés peuvent décider de prendre un abonnement payant pour des contenus encore plus exclusifs; des systèmes d’affiliation peuvent donner des revenus additionnels sans compromettre la raison pour laquelle la personne est référente (pas de crédibilité, pas d’influence, donc pas de cash); des opportunités peuvent voir le jour par le jeu du bouche-à-oreille; pouvoir disposer d’une base d’emails permet d’avoir un lien direct vers des personnes qualifiées vs se reposer sur un algorithme.
Le chiffre de la semaine : 125km
D’après HarrisX, un possesseur de smartphone scrolle sur son écran en moyenne l’équivalent de 125km par an, soit environ 3 marathons. La vivance, c’est physique.
Les liens épatants
Marc Andreessen, idole de certaines startups en culotte courte ou moins courte, nous parle d’Oxytocin et de jeux vidéos. Un marqueur de notre époque à lire chez The American Prospect pour comprendre une certaine vision de l’humain. Évidemment effrayant pour moi
Daniel Shiffman a mis à jour son livre magique “The Nature of Code”. Exceptionnel.
The Guardian parle de l’impact de la série Baby Reindeer sur la notion de “real-life drama”
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Très belle analyse et bien écrite en plus. Que demander de plus ?
ceci devrait te parler: https://www.workingtheorys.com/p/companionship-content -- je te conseille aussi de 'suivre' l'auteur, certains de ses autres ecrits devraient te parler.