Désennuyer les réseaux sociaux
Un choc créatif est nécessaire pour redonner de l'âme aux réseaux sociaux.
C’est la Fashion Week parisienne ! Mais entre deux défilés, une drôle de sensation de déjà-vu dans les réseaux sociaux. Vous pouvez lire ce post en anglais. Et toujours découvrir mon livre.
70% des jeunes extériorisent leurs émotions en publiant du contenu en ligne (WGSN). Si l’expression des sentiments et des problèmes de santé mentale se normalise online et offline, encore faut-il parvenir à avoir des territoires d’expression libératoires.
Conservatisme et moutonnier : voilà ce qui me vient (parfois) à l’esprit en ouvrant mes réseaux sociaux. Pour Kyle Chaika (The New Yorker), “sur les réseaux sociaux d'aujourd'hui, la seule façon de contrer le flot de contenu en ligne est de produire un flot de contenu soi-même.".
Ce qui explique cette tension étonnante vis-à-vis des réseaux sociaux : émancipatoires pour certains, toxiques pour d’autres. Ils exacerbent nos moi profonds jusqu’à l’excès.
Une machine infernale qui est poussée par les plateformes : Instagram a incité le partage de carousels de 20 photos maximum depuis août dernier, tandis que TikTok autorise même 35 photos. Soit dans une ère pré-internet une pellicule entière d’un film argentique. Une recherche constante du fix plutôt que de l’endorphine.
Le banal posté avec nonchalance
L’époque est au banal et au suivisme : les photo dumps par exemple, quoique souvent sympathiques, donnent l’impression d’un exercice de style non assumé. Des dizaines de photos censées raconter le mois écoulé. Mais évidemment fantasmées pour le regards des autres donc qui suivent une certaine ligne éditoriale, une certaine tonalité. Il faut avoir l’air cool mais pas trop. Il faut donner un ressenti mais en le romançant. En fait, il ne faut surtout pas prendre (trop) de risque pour continuer à servir l’algorithme, générer du scroll jusqu’à la dernière image, mais exister suffisamment pour rester dans les cordes (et dans le code). Il faut banaliser l’aspérité et en faire une trend. Être en couple ? Mettre des #couplegoals comme étiquette quasi permanente. Être dans un trip fitness ? Se tenir à des #fitgoals. Miniaturisation du feed, et miniaturisation de nos identités.
Dans les extrême d’Internet, perdre son temps et rester à végéter est érigé en modèle mainstream à travers des volumes de vidéos considérables.
Or extérioriser en se retenant, c’est probablement le contraire de l’authenticité et du lâcher-prise.
S’assumer et reprendre le pouvoir.
Il est possible de retrouver cette douce aspérité des réseaux sociaux en décidant de totalement s’assumer, et de se mettre à…créer. Car créer, c’est différent de poster.
Antoinette Love, phénomène créatif génial et barré, poste quand ça lui chante des posts la mettant en scène, dans une esthétique entre le fanzine, le skyblog, le new age.
Un travail remarqué qui a su convaincre Balenciaga pour lui confier les clés d’une campagne en Chine.
Même Jaden Smith, avant qu’il ne sombre dans un rythme de publication beaucoup plus marketing-friendly avait su maltraiter son feed Instagram pour y diffuser son identité iconique, en jouant d’ailleurs plutôt avec les codes de Tumblr.
Sur Wattpad, on fait fi de l’insta-fame et environ 100 millions de lecteurs et d’auteurs se retrouvent autour de l’écriture, depuis la fan fiction jusqu’à la poésie contemporaine. Sur Tumblr, les utilisateurs continuent à se retrouver pour des contenus toujours plus bizarres, mais également toujours plus au coeur de nos intérêts les plus profonds. #witchblr regroupe sorcières et mages, à travers de nombreux contenus de chats noirs, de gâteaux magiques et de tarots divinatoires.
Pas de hooks nécessaires pour se faire repartager mais des algorithmes qui favorisent la découverte par centres d’intérêts explicitement souhaités par les membres.
Pour désennuyer les réseaux sociaux, il faudrait sans doute retourner à un état plus sauvage. Après tout, la vraie influence, c’est quand on partage par messagerie privée une petite découverte ou qu’on prend une capture d’écran qu’on aime à consulter égoïstement. Se passer la bonne info sous le manteau, en quelque sorte. Et griffonner ses envies, très certainement.
La plateforme de la semaine : Volv
Volv propose de transformer les informations en provenance de multiples sources en un contenu de 9s (texte / vidéo / audio). Basée sur l’intelligence artificielle, l’application permet une vue d’ensemble et digeste sur les sujets qui intéressent l’utilisateur. À explorer avec le code VOLVLF pour un mois gratuit réservé aux lecteurs et lectrices de cette newsletter. C’est par ici.
Les liens épatants
Une histoire incomplète de la online fashion fandom. (SSENSE)
YouTube nourrit une explosion de l’astrologie au Pakistan. (Rest of The World)
The Mainstreaming of Loserdom (Tell the Bees)
Tumblr et Wordpress : 2 plateformes en pleine fusion (Automattic)
Bonne semaine ! Mon essai “Réseaux sociaux : une communauté de vie” est toujours disponible chez vos libraires. La version anglaise “Alive In Social Media” est désormais disponible sur Amazon.
N’hésitez pas à partager cette newsletter, à liker, à commenter, ou à continuer à m’envoyer des emails : ces notifications sont une joie ;) .
il y a une saveur particulière de l'abrutissement engendré par l'endless scrolling. L'ennui nait de l'infini, mais c'est une drogue